En solitaire au Pôle Nord,
Jean-Louis Étienne

Quand on est de ma génération, qui n’a pas été bercé par les aventures de Jean-Louis Etienne, par sa fascinante façon de nous raconter ses exploits… Un homme de terrain mais aussi un scientifique, un communiquant aucunement avide de partager ses expériences, ses expéditions. Par ses livres, ses témoignages ou par sa présence sur les plateaux tv, son regard pétillant était une invitation au voyage. Et comme livre de bivouac ou simplement sur l’étagère de mon bureau, je n’ai jamais loin de moi ce petit guide“Inventer sa vie”. Mais revenons quelques 40 ans plus tôt en 1986.

©Photos et textes : jeanlouisetienne.com – wikipédia – Istock – V. Thiebaut

Son objectif, parvenir au pôle Nord géographique seul,
à ski, avec un traîneau et quelques points de ravitaillement
pour les vivres et des habits secs.

Le 14 mai 1986, il est le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire, en tirant son traîneau pendant 63 jours avec des ravitaillements. À cette époque, le GPS et le téléphone par satellite n’existent pas, il se dirige grâce au soleil et sa position est suivie par le Centre national d’études spatiales au moyen d’une balise Argos qui confirme son arrivée sur l’axe de rotation de la terre, 89° 993 N.

Parti le 6 mars de Ward Hunt Island, à l’extrême nord du Canada, Jean-Louis Etienne parvient sur l’axe de rotation de la Terre (le pôle Nord géographique) le 14 mai 1986. 63 jours de marche et plus de 1 000 km, parcourus à une moyenne de 20 km par jour. Chaque jour, il marche 8 heures d’affilée sans pouvoir s’arrêter pour déjeuner à cause du froid. Dans la journée, il se nourrit en grignotant des galettes et des fruits secs. Vers 4 heures de l’après-midi, il monte la tente dans un endroit plat, si possible abrité du vent. Après un goûter chaud bien mérité et un peu de repos, il communique par radio et reçoit sa position. C’est ensuite l’heure du dîner, puis une nuit réparatrice pour affronter la journée du lendemain. Mis à part quelques traces d’ours, il ne fera qu’une seule rencontre au cours de son voyage. Le 9 avril, il retrouve, par un complet hasard, Will Steger et son équipage, qui se rendent au pôle avec des attelages de chiens.

Revivre son expédition solitaire :
• Le marcheur du Pôle aux Editions Robert Laffont
• Papy Pôle, un film de Laurent Chevallier

Le pôle Nord géographique terrestre

C’est le point le plus septentrional de la planète Terre. Il est défini comme le point d’intersection de l’axe de rotation de la Terre avec la surface terrestre de l’hémisphère nord, où tous les méridiens et les fuseaux horaires se rencontrent. Ce point géographique n’est pas fixe par rapport à l’axe de rotation de la Terre, car elle oscille faiblement suivant une période d’environ quatorze mois. Néanmoins, on considère souvent que sa position est fixe par commodité. Le pôle Nord géographique ne doit pas être confondu avec le pôle Nord magnétique, le point central du champ magnétique terrestre vers lequel toutes les boussoles pointent.

Le pôle Nord se situe au milieu de l’océan Arctique, au-dessus de la plaine abyssale polaire, nommée aussi bassin d’Amundsen ou encore bassin du Fram et à proximité de la dorsale de Lomonossov. À la verticale du pôle, l’océan atteint une profondeur de 4 261 mètres et est couvert en permanence par la banquise arctique, contrairement au pôle Sud situé sur la masse continentale Antarctique. Hormis certains bancs de gravier non permanents, la terre émergée la plus proche est l’île Kaffeklubben, située à 707 kilomètres du pôle.

La glace de mer du pôle Nord est d’environ deux ou trois mètres d’épaisseur, mais il existe des variations considérables. Selon les chercheurs, la diminution de la banquise est attribuée au réchauffement climatique et à l’océan Arctique de plus en plus exposé au rayonnement solaire. L’accélération drastique de la fonte des glaces de mer en Arctique n’avait pas été prévue par les modèles climatiques, car ils ne tenaient pas compte de l’effet albédo ; plus l’océan Arctique se libère de ses glaces, plus la chaleur des rayons solaires est absorbée par l’eau, accélérant la fonte de la calotte polaire. En 2008, des scientifiques prédisent que le pôle Nord pourrait devenir libre de glace durant l’été dès 2050.

La température du pôle Nord peut varier entre −43 °C et 0 °C. La banquise est cependant menacée et l’océan Arctique pourrait être libre de glace. Cette situation nouvelle rendra plus facile l’accès aux ressources du sous-sol Arctique et une dispute territoriale est enclenchée entre les cinq pays limitrophes de l’Arctique : le Canada, la Russie, la Norvège, le Danemark (via le Goenland) et les États-Unis.

Bien que le pôle Nord soit hors des zones économiques exclusives de ces pays, la découverte récente de la dorsale de Lomonossov relance le débat de la souveraineté territoriale de l’Arctique. En vertu du droit international, aucun pays ne possède actuellement le pôle Nord ou la région de l’océan Arctique qui l’entoure, droits limités à une zone économique exclusive de 370 kilomètres autour de leurs côtes. La zone restante d’un million de kilomètres carrés, n’est attribuée à aucun pays et c’est l’Autorité internationale des fonds marins qui administre ce territoire.

Les premières expéditions

La première exploration du pôle Nord, bien que contestée, est attribuée à l’Américain Frederick Cook qui aurait atteint le pôle le 21 avril 1908, mais il aurait maquillé son trajet réel. Le Congrès des États-Unis a plutôt attribué la première exploration à l’Américain Robert Peary qui prétend avoir atteint le pôle Nord le 6 avril 1909, mais les historiens contestent ce fait depuis la découverte d’une copie du journal de Peary, qui se serait trompé dans ses estimations. La première exploration confirmée du pôle Nord revient donc au Norvégien Roald Amundsen et à l’Italien Umberto Nobile, qui le survolent à bord d’un ballon dirigeable le 12 mai 1926.

Explorer et arpenter le monde…
un bel itinéraire de vie !

Né le 9 décembre 1946 à Vielmur-sur-Agout dans le Tarn, Jean-Louis Etienne est un médecin et explorateur français. Il est connu pour ses multiples expéditions en Arctique et en Antarctique, notamment la Transantarctica réalisée en 1989-1990.

Un parcours assez singulier

Fils d’un tailleur d’habits, il déménage dans sa treizième année à Castres où sa mère a ouvert un petit commerce de confection et le rugby a été sa première passion en tant que demi de mêlée au Castres Olympique. Après une scolarité moyenne à l’école primaire, ses parents l’envoient au collège technique de Mazamet où il y obtient un CAP de tourneur-fraiseur. Le travail manuel lui redonne le goût des études, si bien que ses professeurs le poussent vers un baccalauréat technique, obtenu au lycée Jean-Jaurès de Castres. Comme quoi, rien n’est inscrit !

Il s’inscrit alors à la faculté de médecine de l’université de Toulouse. Dès la deuxième année, il s’intéresse à la chirurgie, réussit le concours de l’internat puis exerce à l’hôpital de Castres en chirurgie. Souhaitant se rapprocher de la montagne, qui l’attire depuis son enfance, il s’inscrit en radiologie à l’université scientifique et médicale de Grenoble, où il soutiendra sa thèse en 1975. Il est aussi titulaire d’un diplôme d’études supérieures spécialisées de diététique et d’un diplôme de biologie et de médecine du sport. Jean-Louis Étienne est également médecin breveté de la marine marchande.
Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre et à ce stade, déjà un bel exemple !

Jean-Louis Étienne s’intéresse rapidement à l’aspect médical de la physiologie humaine dans des conditions extrêmes. En tant que médecin, il participe à de nombreuses expéditions au Broad Peak, à l’Everest, au Groenland et en Patagonie.
La voile le passionne également. Il fait ses premières traversées de l’Atlantique sur le Bel Espoir du Père Jaouen pour la réhabilitation des toxicomanes, puis avec Alain Colas pour un record de l’Atlantique. Il est coéquipier à bord de Pen Duick VI d’Éric Tabarly lors de sa course autour du monde en 1977-1978.

Il est même candidat astronaute entre 1983 et 1985 pour le groupe CNES-2 et fait partie des présélectionnés.En 2007-2008, Jean-Louis Étienne est directeur général de l’Institut océanographique de Paris et du Musée océanographique de Monaco.

Ses expéditions polaires et autres

Suite à son succès au pôle Nord, il est, entre juillet 1989 et mars 1990, co-leader avec l’Américain Will Steger de l’expédition internationale Transantarctica et réussit en traîneaux à chiens la plus longue traversée de l’Antarctique jamais réalisée : 7 mois, 6300 km.

Infatigable défenseur de la planète, il mène entre 1990 et 1996 plusieurs expéditions à vocation pédagogique et scientifique pour faire connaître les régions polaires et comprendre le rôle qu’elles jouent sur la vie et le climat de la terre. Il fait construire le voilier polaire Antarctica, aujourd’hui Tara. Destinations, la Patagonie, la Géorgie du Sud et la péninsule Antarctique, le volcan Érébus, le Spitzberg.

Au printemps 2002, il réalise la Mission Banquise, une dérive de trois mois sur la banquise du pôle Nord, à bord du Polar Observer pour un programme de mesures et d’informations sur le réchauffement climatique.

De décembre 2004 à avril 2005, il dirige une expédition sur l’île Clipperton avec des chercheurs du Muséum, IRD, CNRS, pour réaliser un inventaire de la biodiversité et un état de l’environnement de cet atoll français du Pacifique.

En avril 2010, il réussit la première traversée de l’océan Arctique en ballon rozière.Le décollage a lieu le 5 avril 2010 du Spitzberg. Jean-Louis Étienne se pose en Sibérie orientale après un vol en solitaire de 5 j 2 h 15 min, sur une distance de 3 160 km.

Une aventure maritime hors norme, un défi scientifique et technologique.

Sa prochaine expédition sera une mission de 3 ans autour de l’Antarctique à bord du POLAR POD, une Station Océanographique Internationale, pour l’étude du Courant Circumpolaire Antarctique, un acteur majeur du climat de la Terre et une immense réserve de biodiversité marine encore méconnue.

Tout part de la force d’une idée …
“Une idée n’est jamais une création spontanée, elle est la synthèse opportune au confluent d’une nécessité intérieure, d’un besoin objectif, du désir d’engagement sur un terrain inconnu.J’aime inventer, concevoir des vaisseaux inattendus pour explorer autrement. Viendra bientôt le moment où rien ne pourra plus arrêter le départ vers ces grands espaces qui portent mes rêves…”
Jean-Louis Etienne

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