Jiehkkevarri et Finn Kristoffer Hovem

S’il n’est pas issu d’une famille qui l’a poussé vers la montagne ou a grandi dans une région montagneuse, bien que norvégien, Finn est passionné par le ski et l’alpinisme à l’état pur. Il vous frappera par son humilité. Il fait partie de ce petit groupe de freeskieurs norvégiens, se connectant à la montagne, ouvrant de nouvelles voies et repoussant les limites de la discipline. Et quand il s’agit de passer du projet à l’action, Finn ne demande pas son reste Gravir et descendre par la face Sud-Est, le plus haut des Alpes de Lyngen; le Jiehkkevárri à 1834 m.

©Photos : Kyrre Buxrud – Finn Kristoffer Hovem

JIEHKKEVARRI,
LE MONT BLANC DU NORD

Jiehkkevárri, aussi appelé Jiekkevarri ou Jiekkevarre est le point culminant des Alpes de Lyngen et du comté de Troms og Finnmark, dans le Nord de la Norvège. Son nom vient de la langue sami, où « Jiehkke » signifie glacier et « várri » montagne. Il culmine à 1 834 m d’altitude et a une hauteur de culminance de 1 741 m, ce qui en fait le deuxième sommet norvégien selon ce critère. Certains l’appellent à juste titre le Mont Blanc du Nord. C’est le plus haut de sa chaîne, le sommet est un dôme glaciaire et les itinéraires les plus faciles consistent à traverser d’autres sommets voisins.

Son ascension est rendue difficile par la présence de glaciers et les premiers à en escalader le sommet sont le Britannique Geoffrey Hastings et le Norvégien Elias Hogrenning en 1899.

Jeikkevarri est entourée d’autres sommets et constitue un sommet plat en forme de dôme. La montagne est rarement escaladée directement, presque tous les skieurs et alpinistes la gravissent via une montagne différente, puis la traverse. Les murs de Jeikkevarri atteignent 1 300 mètres de hauteur comme le couloir Est. Exposés et raides, ils sont souvent ratissés par les avalanches, les chutes de glace des glaciers suspendus et les chutes de pierres. Pourtant, grâce aux sommets reliés entre eux, le sommet peut être atteint sans avoir à affronter ces dangers objectifs.

Le sommet est l’une des randonnées à ski de printemps les plus classiques du nord de la Norvège via les itinéraires normaux venant de l’ouest, soit sur le Holmbuktind de 1 666 m, soit sur le glacier Blåisen.

1100 M DE DÉNIVELÉ À 55 DEGRÉS

« Tôt le matin du 28 avril 2020, Eivind Jacobsen et moi, Finn Kristoffer Hovem avons effectué la première descente à ski de la face sud-est de Jiehkkevárri, haute de 1100 m. »

La ligne que nous avons skiée n’avait été escaladée que deux fois, la première fois en solo, en 1979, par Dave Nicholls, alpiniste britannique très talentueux et officier des Royal Marines, qui, dans les années 1970, était chef de groupe du Mountain and Arctic Warfare Cadre en Norvège. C’était également la dernière face du sommet qui n’avait pas été descendue à ski.

Dans le guide des Alpes de Lyngen de Sjur Nesheim, publié par Friflyt, la ligne est décrite comme un 55° de neige et de glace avec une pente de M4. Seuls les 30 derniers mètres jusqu’au sommet de la face sont en pente douce. Je ne connais aucune personne ayant grimpé cette face, mais l’arête sud est gravie de temps en temps, et l’arête sud-est, séparant le couloir nord-est de la face sud-est est juste un peu plus fréquentée.

Le 27, nous avons quitté Lyngsdalen avec notre matériel de bivouac, afin de pouvoir y jeter un œil avant de partir tôt le lendemain dans l’inconnu. Pour nous assurer que les conditions étaient propices à une descente à ski, nous avons d’abord gravi l’itinéraire depuis le glacier situé à son pied. Il s’agit d’une ligne plus exposée avec des dangers objectifs. La lecture est cruciale et les conditions sont idéales pour la gravir et la skier en toute sécurité. La première partie du parcours, inclinée vers le haut d’une rampe, est exposée à la chute de séracs, et une grande partie du parcours se situe au-dessus de bandes de falaises et au-dessous de grandes corniches.

L’année 2020 a été exceptionnellement bonne en terme de neige dans les Alpes de Lyngen, et les prévisions météos annonçant de la neige fraîche et humide avant une baisse des températures se sont avérées exactes. Puis un ciel s’est couvert sans trop de vent. Nous espérions que la neige collerait à la face abrupte et glacée puis sécherait avant une courte fenêtre au milieu de la nuit et tôt le matin du 28 pour skier la face dans une bonne poudreuse avant que le soleil n’augmente le risque d’avalanches et d’effondrement des corniches.

Nous avons commencé à 2 heures du matin, trouvant les conditions espérées, avec environ 20 à 30 cm de neige fraîche. Le sac à dos lourd nous épuise, mais nous avons pu gravir tout le parcours sans utiliser la corde. Hormis quelques plaques de verglas et une croûte gelée due au soleil sur les 50 derniers mètres jusqu’au sommet, nous avons trouvé de superbes conditions de ski. Nous avons dû utiliser la corde pour sortir par la corniche du haut et aussi pour nous assurer à la descente dans les premiers mètres. Avant de skier toute la ligne proprement. Même si j’ai skié plusieurs autres lignes raides dans la région, celle-ci est de loin la plus raide, la plus soutenue et la plus importante que je connaisse dans le nord de la Norvège.

D’autres lignes raides ont été skiées sur d’autres faces de la montagne, le couloir nord-est est désormais une classique avec seulement quelques répétitions chaque hiver. Andreas Fransson l’avait baptisée, alors non skié, la face de la Brenva de l’Arctique.

ENTRETIEN AVEC FINN KRISTOFFER HOVEM,
SKIEUR PASSIONNÉ D’AVENTURES

Traduit de l’article posté sur endorfeen.com/fr/finn-kristoffer-hovem-le-skieur-daventure/

Pouvez-vous nous présenter rapidement ?

Je suis né à Trondheim en Norvège. Mon père est norvégien, mais ma mère vient en fait des États-Unis, du Colorado. J’ai commencé le ski de fond avec ma famille. Je ne skiais pas beaucoup quand j’étais plus jeune. Quand j’ai eu 8 ans, ma famille a déménagé au Texas. Mon père travaillait pour une compagnie pétrolière, et il avait trouvé un emploi là-bas, alors toute la famille a déménagé avec lui. Comme vous pouvez l’imaginer, cela signifiait qu’il n’y avait pas de montagnes à proximité, donc pas de ski, sauf pour le ski de fond pendant les vacances. C’est aussi à cette époque que j’ai compris que la vie citadine n’était pas pour moi. Je n’aimais pas tout le truc « ville / banlieue ».

Au bout d’un moment, mon père a trouvé un autre travail en Azerbaïdjan quand j’avais 17 ans. En raison du manque d’écoles là-bas, j’ai terminé mes études secondaires en Suisse. C’est à ce moment que ma vie de skieur a commencé. Je ne connaissais pas grand-chose au ski de randonnée à l’époque, mais l’idée me plaisait, alors j’ai commencé le télémark dès le début. J’ai tout de suite accroché. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde ne skiait pas autant que possible.

Qu’as-tu fait après le lycée ?

Quand j’ai fini le lycée, je suis allé à l’université du Colorado. J’étudiais l’ingénierie, mais en fait, je skiais quatre jours par semaine. Mes notes en ont pris un coup. À l’époque, les études n’étaient pas vraiment pour moi, alors j’ai décidé d’abandonner l’université. Je suis allé travailler pour un magasin de ski et je me suis éclaté. Je travaillais, mais j’avais beaucoup de temps pour faire du télémark. Après quelques saisons dans le Colorado, l’Europe me manquait, alors je suis retourné en Suisse. Je faisais un peu de ski hors-piste quand j’étais au Colorado. C’est à mon retour dans les Alpes que j’ai commencé de plus en plus à faire du ski de randonnée, même si j’étais encore en télémark.

Quand es-tu revenu en Norvège ?

Je n’étais pas retourné en Norvège depuis un certain temps. Plus tard, un ami écossais m’a appelé et m’a invité à voyager avec lui… en Norvège. Nous sommes allés dans les Alpes de Lyngen ensemble. Il neigeait presque tout le temps, donc nous n’avons pas eu la chance de skier beaucoup de lignes malheureusement. Nous nous sommes retrouvés coincés dans un lodge. Bien que nous n’ayons pas passé beaucoup de temps à l’extérieur, ce fut une révélation pour moi. J’avais besoin de vivre ici pour avoir la chance de skier ces montagnes dans de meilleures conditions.

En 2015, j’ai déménagé à Tromsø et je suis retourné à l’université. J’ai étudié alors la gestion des risques, sujet qui me passionne, car c’est en adéquation avec ma passion pour la montagne et le ski. Cette année-là, un autre changement important pour moi puisque j’ai abandonné mon obsession du télémark pour des chaussures en carbone légères et des fixations techniques de randonnée.

Avez-vous déjà participé à des compétitions de ski ?

Je me suis intéressé aux courses de skimo, mais je n’étais pas une personne très « compétitive ». Pour moi, les compétitions n’étaient qu’un moyen amusant de se mettre en forme pour le ski de randonnée. Je ne skiais pas pour m’améliorer et gagner des compétitions ; c’était l’inverse. Par contre, le matériel s’améliorait de plus en plus, ce qui permettait aux skieurs comme moi d’aller sur des terrains de plus en plus techniques et escarpés.

As-tu suivi une formation spécifique pour apprendre à évoluer et à te comporter en montagne ?

A la fin de mes études, j’ai suivi une formation au centre de recherche sur les avalanches de Tromsø. A part ça, rien de particulier. J’ai commencé à exercer le métier de guide à temps partiel. À peu près à la même époque, j’ai participé à la « Patrouille des glaciers » et je suis allé en Nouvelle-Zélande pour leur saison de sk, c’était en 2018.

Au lieu de terminer mes études par une maîtrise, j’ai préféré travailler comme guide à temps plein en hiver et à faire des voyages le reste de l’année. J’ai passé l’été à grimper dans les Alpes et dans le nord de la Norvège. Puis à l’automne, je suis allé au Chili pour de nouvelles aventures en ski de randonnée avec de nombreuses traversées à ski sur plusieurs jours, explorant des volcans en autonomie avec nos sacs à dos de 20 kg.

Comment définiriez-vous votre style?

Je me définirais comme un skieur d’aventure. J’ai toujours été inspiré par le freeride ainsi que par le ski raide plus technique. Mon style est quelque part entre les deux. J’adore ce sport/activité parce que nous ne dictons pas les règles. C’est la nature qui le fait. Ce n’est pas comme les autres sports où les règles sont établies par l’homme. Prenez le tennis par exemple ; nous avons inventé les lignes, nous avons développé un système de pointage etc. Avec le freeski, la nature est la règle, et elle change toujours, il faut être humble et compréhensif. Il y a aussi sa part d’incertitude.

Avez-vous un objectif, un cap ?

Mon objectif est d’être le plus possible en montagne, j’aime être là-bas et là-haut ! Mon objectif est d’accumuler de l’expérience en montagne. Plus je suis dehors, plus j’apprends et plus je comprends l’environnement. Vous en apprenez beaucoup sur l’environnement à coup sûr, et vous en apprenez aussi beaucoup sur vous-même : vos capacités physiques ET mentales. Passé un certain point, votre corps n’est plus la limite. La limite est votre esprit.

Plus je suis en montagne, plus ça crée chez moi une harmonie parfaite.

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