Les tremplins de saut à ski,
incroyables arènes norvégiennes
A quelques semaines de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin, penchons nous sur la place de la Norvège, petit pays mais nation forte du ski international. Organisatrice à deux reprises en 1952 à Oslo et en 1992 à Lillehammer, la Norvège peut se targuer de posséder plusieurs records olympiques.
Le symbole très populaire de l’esprit de compétition norvégien est sans aucun doute le tremplin de saut à ski. Adossés aux collines et montagnes, ils sont les symboles de cette passion populaire, cette “quasi” religion du ski. Autrefois modelés sur des terrains choisis pour leur pente idéale, ils sont aujourd’hui des œuvres architecturales, le reflet de la grandeur des pays qui cultivent l’amour du ski nordique. Depuis près de 20 ans, les plus grands architectes ont signé sur toute la planète des sites grandioses, voire majestueux. Plus qu’un terrain de sport, ces tremplins participent à l’identité du territoire. Comme le “Bergisel schanze” à Innsbruck, entièrement redessiné par l’architecte irako-londonienne Zaha Hadid, Loenhart & Mayr pour le tremplin de Garmisch-Partenkirchen ou comme les tremplins norvégiens d’Holmenkollen, de Vikersundbakken ou de Midtstubakken.
Photos © Thiébaut – Vikersundbakken – Karl Harstad / Oslo Museum – Fabel arkitekter – Marco Beola – JDS Architects – NTB Scanpix
GRANDE NATION DE SKI
AVEC 132 TITRES OLYMPIQUES
Seul pays scandinave à avoir organisé deux fois les Jeux olympiques d’hiver, en 1952 à Oslo et 1994 à Lillehammer, depuis leur création en 1924, la Norvège a participé à toutes les éditions des Jeux olympiques d’hiver. Elle occupe le premier rang des nations pour ce qui est des éditions olympiques hivernales, avec après les Jeux Olympiques de PyeongChang 2018, un total de 368 médailles dont 132 en or. La France en a glané 36, la comparaison est sans appel…. Par ailleurs, ses trois athlètes Ole Einar Bjørndalen en biathlon, Bjorn Dæhlie et Marit Bjørgen en ski de fond en sont avec respectivement treize, douze et quinze médailles, les sportifs les plus couronnés de l’histoire des JO d’hiver. La Norvège atteint son record de podiums dans une édition des Jeux d’hiver (39 dont 14 titres) à PyeongChang en 2018. Sans oublier le plus titré en ski alpin Kjetil André Aamodt avec ses 4 médailles d’or.
LE GRAND TREMPLIN DE SAUT A SKI D’HOLMENKOLLEN
Situé sur les hauteurs d’Oslo, sur la colline du même nom, ce tremplin de saut à ski figure parmi les infrastructures sportives les plus impressionnantes du monde. Ancien collaborateur de Bjarke Ingels, l’architecte franco-belge Julien de Smedt a conçu cette plateforme comme une vague dans le paysage qui semble défier les lois de la pesanteur. Il s’agit d’un des plus vieux tremplins toujours utilisé à ce jour. Il a par ailleurs connu dix-neuf rénovations, celle réalisée par JDS Architects date de 2008. Le record du tremplin est détenu par Andreas Kofler; 141 m en 2011.
Cette œuvre architecturale de vague ou d’oiseau qui ouvre ses ailes, tout dépend d’où l’on la contemple, domine la ville et surmonte le site national d’Holmenkollen. C’est un stade complet de ski nordique accueillant ski de fond, saut à ski, combiné nordique et biathlon. Il est ouvert toute l’année, hiver comme été, et ses pistes serpentent autour d’une chapelle en bois debout. La vue depuis la colline est incroyable sur la capitale et le fjord. Un autre tremplin fait partie des infrastructures, Midtstubakken, lui aussi très design, occupe un autre pan de la colline, qui réserve pour l’été de belles pistes de Mountain Bike.
Ce qui nous a frappé, c’est la notion de liberté à pouvoir utiliser ces infrastructures gratuitement et de pouvoir y circuler facilement. Là haut ou sur les pistes, on comprend le sentiment d’appartenance de la population locale qui s’approprie ce lieu comme leur terrain de sport. Aucune force de l’ordre, ni de contrôleur, aucune barrière, ni même de guichet, tu peux à ta guise, visiter ou profiter de ces installations sportives et même se rendre au haut du sautoir. Il suffit de prendre l’ascenseur et de se retrouver sur la plateforme de départ pour imaginer à quel point les athlètes sont courageux. Se mettre dans la peau d’un Robert Johansson ou d’un Daniel Andre Tande avant de plonger la tête la première est vertigineux..
Ce qui est aussi surprenant, c’est que ce site, en dehors de la ville d’Oslo, est facilement et écologiquement accessible par métro. L’accès et le transport sont donc organisés sans voiture. Tous les utilisateurs et les spectateurs doivent utiliser la ligne d’Holmenkollen du Oslo T-Bane avec 2 stations; Holmenkollen et Midtstuen avec une capacité de 9 000 personnes par heure. Tout est parfaitement bien conçu et il me tarde d’y revenir un week end de mars pour assister à une épreuve de coupe du Monde et peut-être même d’y croiser la famille royale.
Midtstubakken à Holmenkollen en 1930
Oslo - Jeux Olympiques de 1952 et la foule immense au bord du grand tremplin
L’HISTOIRE D’HOLMENKOLLEN REMONTE A PLUS DE 100 ANS
ET COÏNCIDE AVEC L’HISTOIRE DU SKI NORVEGIEN
Aujourd’hui, Holmenkollen accueille certaines des compétitions de sports d’hiver les plus célèbres du monde, notamment le festival de ski de Holmenkollen, qui est surnommé « la deuxième fête nationale » de la Norvège.
1892-1931 : Des débuts modestes
La toute première compétition de saut à ski à Holmenkollen a eu lieu en 1892 devant une foule de 12 000 personnes déjà. Les spectateurs ont pu assister à l’épreuve de ski de fond de 18 kilomètres un jour, puis à un record de saut (21,5 mètres) le lendemain. A l’époque, un bon skieur devait être capable de réaliser une bonne performance dans les deux disciplines.
Les premières années, le tremplin de saut à ski était simplement une colline naturelle avec rampe de lancement construite en neige et en branchages. Au fil du 19e siècle, alors que le sport remportait un succès croissant, la piste de lancement, où les skieurs commencent leur descente, est devenue de plus en plus haute, grâce à un échafaudage en bois, qui permettait aux skieurs de sauter encore plus loin.
1950-1984 : Jeux Olympiques, Championnats du monde et sauteuses à ski
Quand Oslo a été désignée pour accueillir les Jeux Olympiques de 1952, les installations ont été améliorées : la tour du tremplin est devenue plus haute et a été équipée d’un ascenseur pour les skieurs. Le Musée du ski a été installé sous la rampe où les skieurs commencent leur envol et le plan d’eau au pied de la colline a été agrandi afin de permettre des sauts encore plus longs. Des tribunes permanentes pour les spectateurs ont pour la première fois été construites, ainsi que des loges spéciales pour les juges et la famille royale norvégienne. La compétition olympique de saut à ski a attiré cette année-là entre 120 000 et 150 000 spectateurs, un record aujourd’hui encore.
D’IMPRESSIONNANTS TREMPLINS
A l’instar des nations fortes dans cette discipline, comme la Pologne, la République tchèque, l’Autriche et l’Allemagne avec la Tournée des 4 tremplins, la Norvège possède quelques sites qui ont écrit les plus belles pages du ski nordique. La multitude de ces tremplins explique aussi en grande partie les résultats des champions norvégiens dans cette discipline depuis de nombreuses années.
Holmenkollen, Oslo
Auparavant, il y avait un petit tremplin de saut à ski de taille K 85 à Midtstuen, près de l'endroit où se trouve le nouveau tremplin. Le premier Midtstubakken a été construit en 1927. En février 1982, Armin Kogler monte au sommet, suivi de Jari Puikkonen et Ole Bremseth. Jari Puikkonen a établi un record de côte avec 85,5 mètres.
En 2012, Økaw Arkitekter en collaboration avec les architectes paysagistes Grindaker ont conçu ce tremplin avec un HS de 106 mètres pour l'adapter au terrain de Midtstulia, avec une ligne le plus près du sol. Ainsi, le profil de ce dernier ne rivalise pas avec Holmenkollbakken vu du centre d'Oslo. Les tribunes sont également intégrées au terrain. La piste d’élan est synthétique et peut être utilisée toute l’année, comme le réservoir d’eau situé en contrebas. Cette réserve est nécessaire à la production de neige de culture pour toute les installations d’Holmenkollen. Les beaux jours venus, elle est reconditionnée en plan d’eau destiné à la baignade.
Vikersund à l’ouest d’Oslo
Construit en 1936 et transformé à plusieurs reprises, ce tremplin est le site de nombreux records. En 1966, Bjørn Wirkola y a établi le premier record du monde à 146 mètres. En 2000, le record du tremplin est de 219 mètres, par l'autrichien Roland Müller, égalé par Harri Olli en 2009. Il a accueilli quatre fois les Championnats du monde de vol à ski. En 2006, Vikersundbakken est devenu le premier tremplin de saut à ski au monde à être équipé d'un système d'éclairage permanent. Transformé pour la coupe du monde de 2011 pour atteindre une « taille » de 225 mètres, il a permis un nouveau record de saut, établi par l'Autrichien Stefan Kraft avec un bond à 253,5 m en février 2017.
Trondheim
Ce site accueille fréquemment des compétitions de Coupe du monde et de Coupe continentale organisées par la FIS et a également accueilli les Championnats du monde de ski nordique en 1997 sur les 2 tremplins K-90 et K-124. En 2008, ce dernier tremplin a été amélioré et le point K a été augmenté à 140 mètres. Le record de saut appartient depuis à Kamil Stoch, avec 146 mètres en mars 2018 lors de la Coupe du monde.
NCC et la municipalité de Trondheim ont signé un contrat pour la construction du nouveau parc sportif de Granåsen. Le projet comprend les agrandissements du grand tremplin et du tremplin normal, l'amélioration de la piste d'atterrissage sur les deux tremplins, un nouveau stade de tir pour le biathlon, et le réaménagement du site, pont de ski, tour des juges, nouveau belvédère accessible depuis un télésiège, ainsi que des travaux de sécurisation des pistes, de drainage et des voies d'accès. La valeur du contrat est d'environ 470 millions de couronnes norvégiennes. Livraison été 2023.
Lillehammer
Construits en 1993, ils accueillent les compétitions de saut à ski et des sauts du combiné nordique des Jeux olympiques d'hiver de 1994. l’endroit a été le merveilleux théâtre pour les cérémonies d'ouverture et de clôture de ces mêmes Jeux. La cérémonie d'ouverture a lieu le 12 février devant 37 000 spectateurs vêtus de blanc pour l'occasion. Le metteur en scène du spectacle, Bentein Baardson, a mis les traditions norvégiennes à l'honneur. Des Samis entrent dans le stade sur des traîneaux tirés par des rennes, suivis par des skieurs venus du comté de Telemark, alors que des trolls jaillissant du sol enneigé. Allumée comme en 1952 pour les Jeux d'Oslo dans le petit village de Morgedal, où est né Sondre Norheim, le « père du ski », la flamme olympique est arrivée par les airs. Une minute de silence est observée en l'honneur de la ville de Sarajevo, hôte des Jeux 1984 et fortement touchée par les conflits liés aux guerres de Yougoslavie.
Bærum dans le comté d'Akershus, à l’ouest d’Oslo
Le tremplin de Skuibakken a été construit avec une piste de ski en 1928 par le ski club de Bærums pour remplacer Solbergbakken. La première grande reconstruction a commencé à l'automne 1938, mais ce n’est qu’à la fin des années 1950, qu’il a été envisagé de construire un site plus moderne. Les installations d'aujourd'hui sont en grande partie le résultat de dernières rénovations effectuées dans les années 1962-1963 jusque dans les années 1970. Il a accueilli deux épreuves de la Coupe du monde de saut à ski FIS en 1981 et 1983. L'ancien sauteur à ski Paal Hansen détient le record des pistes de ski depuis 1996 sur ce tremplin K110.
Bærum
Solbergbakken est l’un des plus vieux tremplin datant de 1868. En 1886, le tremplin est construit et il est à l'époque un des plus grands tremplins du monde. En 1899 Asbjørn Nilssen et Morten Hanssen saute à 32,5 mètres et battent le record du monde. En 1919, une compétition organisée sur ce tremplin attire 15 000 spectateurs dont la famille royale norvégienne. En 1942 et 1943, des compétitions organisées par l'Allemagne ont eu lieu sur le tremplin. La dernière compétition sur ce tremplin est organisée en 1992. Petit à petit, Skuibakken remplace le Solbergbakken comme le tremplin important de Bærum.
Tromsø - le plus septentrional du monde
Ce tremplin est en fait un ensemble de trois tremplins, respectant les normes olympiques et il est situé en plein milieu de la ville norvégienne de Tromso, située à 69° 39′ 30″ de latitude Nord, largement au-dessus du cercle polaire arctique. Celui-ci a en plus la particularité d'avoir été construit au coeur de la ville, sur l'île de Tromsoya reliée à la côte par un immense pont, le pont de Sandnessund, doublé récemment d'un tunnel à quatre voies. En 2008, Tromsø n'a pas reçu le soutien des autorités nationales pour sa candidature pour l’organisation des Jeux olympiques de 2018. La décision a été prise une semaine après la publication d'un rapport d'une société de conseil montrant que de tels JO coûteraient environ 19 milliards de couronnes, soit plus du double que le chiffre avancé par les promoteurs du projet. La décision a été d'ailleurs très mal accueillie par les habitants de Tromsø ... Le site internet officiel titrait : " Takk for stötten Norge " , ce qui se traduit par : merci de votre soutien, Norvège ! Les habitants du grand nord se sont sentis abandonnés !
Alors la prochaine fois que vous passerez à proximité d’un tremplin, en Norvège ou ailleurs, levez les yeux pour voir se découper dans le ciel, ces imposants lanceurs et une fois en haut de ceux-ci, debout, plongez votre regard jusqu’au fond, là où se trouve l’aire de freinage. Vous ressentirez alors une impression assez bizarre entre peur et liberté.