AMÉNAGEMENT

Que penser des escaliers népalais ?

En empruntant ce sentier, choisi sur la carte sans savoir qu’il avait été aménagé, nous avons été surpris par cet itinéraire. Nous arrivons sur un vaste parking qui vient d’être construit avec des infrastructures d’accueil, toilettes et panneaux explicatifs. Nous n’y prêtons pas attention, trop pressés d’en découdre avec la pente. Il est 10 heures et quelques voitures sont déjà garées.

Photos : V. Thiébaut – Reine : Shutterstock

Accompagnés par Isabelle et notre chienne Taïga, après une partie sur route forestière et sentier classique, nous découvrons cet aménagement tout au long de notre montée. Après avoir déjà emprunté ce même type de sentier comme celui qui mène à Preikestolen, nous sommes surpris par ces travaux d’Hercule. Notre sentiment évolue au fil de l’ascension. D’abord en sortant de la forêt en gravissant marche par marche dans une section un peu raide, nous sommes surpris positivement, nous avons même de l’admiration pour le travail accompli. Puis un peu plus haut, nous découvrons à la marge l’ancien sentier qui se faufile entre les rochers et serpente naturellement.

A quelques endroits, passerelles en bois et vieilles chaînes de protection avaient déjà été installées pour une progression sans danger. Là, je ne comprends plus l’intérêt de ce nouveau cheminement, tant l’ancien chemin était bien tracé et respectait le terrain. C’est l’incompréhension, presque la colère…Sentiments partagés avec Isabelle. Il faut dire que je suis particulièrement attentif et sensible à ce type de travail, peut-être, un peu plus que d’autres randonneurs.
J’ai grandi avec mon papa, membre plus qu’actif au sein du Club Vosgien, responsable de nouveaux sentiers et de réhabilitation d’autres dans le secteur des Vosges du Nord. Il a su m’inculquer ses valeurs et m’éduquer sur ce type de problématiques dans le respect de la nature avant tout.

Le motif de ce billet d'humeur... à gauche le nouvel itinéraire sherpas, à à droite l'ancien sentier déjà bien sécurisé

Puis mon sentiment de colère et de frustration laisse place à de la résignation… Il faut dire que le travail a été maîtrisé, et très bien réalisé dans le souci du détail et de l’esthétique. Nous doublons quelques personnes à la montée, malgré notre progression tranquille et croisons d’autres plus sportives qui connaissent bien ce spot et en font leur terrain d’entraînement. Entre autres, nous partageons une partie de l’ascension avec une jeune fille qui pour sa séance intense de fractionné, fait des aller-retour. Mieux qu’une séance de Step dans une salle surbondée ! Plus haut, le profil devient plus plat et les marches plus rares.

Nous arrivons au sommet baigné par un franc soleil. Un imposant relais et un refuge dominent un panorama à 360° sur l’océan à l’ouest, l’archipel de Brandesund et Bømlo au nord, l’île de Stord à l’est et les deux grands ponts plus au sud. Une classe de gamins, sûrement un centre aéré, se divertit avec leurs accompagnateurs. Assis sur un rocher, nous profitons de cet endroit paisible. Nous entamons ensuite la descente, et là surprise, nous croisons plus deux cent personnes en moins d’une heure. Arrivés sur le parking, celui-ci est bondé. Nous prenons conscience que nous ne sommes pas seulement montés au sommet pour une belle randonnée, mais nous avons profité d’une attraction, d’un aménagement touristique gratuit. C’est alors que nous nous sommes rendus vers les panneaux explicatifs pour prendre connaissance des différentes informations pratiques, historiques et géologiques.

Sur place, notre sentiment reste partagé et nous nous posons pas mal de questions.
Pourquoi substituer un chemin naturel par un aménagement de la sorte ?
Pourquoi faciliter à outrance l’accès à la montagne ?
Quel est l’impact écologique du transport par hélicoptère de ces dalles, un rapide calcul estimé à 400 tonnes de granit à déposer ?
Qui a participé et financé une telle opération ?

Toutes les réponses à ces questions légitimes ont trouvé leurs réponses sur les panneaux d’informations et un peu plus tard, une fois rentrés en France.

La philosophie de l’accès à la montagne n’a pas la même définition en Norvège qu’en France et que dans l’Europe latine. Ce qu’il faut comprendre, c’est que dans notre pays nous avons des monuments historiques à chaque coin de rue, cathédrale, musée, château, tour, moulin,.. En Norvège, il sont bien plus rares et les édifices à visiter peu nombreux. Leur tourisme n’est pas basé sur un patrimoine historique et culturel important, mais plutôt sur des sites naturels. Comme nous montons en haut de la cathédrale de Strasbourg ou au deuxième étage de la Tour Eiffel, ici ils proposent des sites en pleine nature faciles d’accès et cela tout au long de l’année quelle que soient les conditions météo. En cas de forte pluie, l’eau ne ruisselle pas sur le sentier et les dalles horizontales ne sont pas glissantes. Et quand vient le temps des premières gelées, il en est de même. Il est aussi indéniable que ce type d’équipement permet une plus grande sécurité des randonneurs.

Des escaliers en pierre au sommet de Reinebringen. Chemin touristique vers le belvédère au dessus de Reine dans les îles Lofoten.

L’effort est différent, pas de foulée de sénateur longue et lente, il faut monter les genoux à rythme régulier. Tout le monde comme les familles et les personnes à faible condition physique peuvent profiter ensemble d’un moment en extérieur.
Quant à l’impact écologique, il est certain qu’il n’est pas neutre, mais en fin de compte, ce n’est ni mieux ni moins bien que nos installations dédiées à un tourisme différent, en quête de nouvelles sensations en montagne comme les passerelles métalliques sur le vide, les cages en verre, les promontoires et terrasses panoramiques qui demandent également une débauche d’énergie pour les construire à de telles altitudes.

Il n'est que 6 heures du matin et l'itinéraire vers Preikestolen est déjà bien fréquenté

Au premier plan à gauche, les marches ont été découpées dans le bloc de granit à mi-chemin vers Preikestolen

UN TRAVAIL SIGNÉ PAR LES SHERPAS NÉPALAIS

En Norvège, le travail a été confié à des sherpas venus du Népal. En une dizaine d’années, quelque 300 escaliers en pierre naturelle ont ainsi été aménagés dans les sites les plus sauvages de Norvège. En termes de reconnaissance et d’adaptation, ce peuple de montagne a su exporter son savoir-faire pour réaliser ce type de chantier.

“Les escaliers de sherpas, eux, accompagnent l’ambition du pays de rendre la nature accessible à un maximum de gens, gommant le caractère incertain et dangereux de certaines randonnées. A la clé, pour le promeneur, la liberté de baguenauder où il ne le pouvait avant, et l’impression de faire partie des sommets immuables, points de vue isolés et falaises maritimes. Autre raison à cet engouement : la nécessité pressante de protéger les itinéraires menant à certains sites photo­gé­niques, de plus en plus fréquentés, en raison souvent de l’influence de réseaux sociaux comme Instagram. Enfin, ces escaliers sont une originalité, nourrissant la réputation de la Norvège, pays propice aux aventures de plein air.”

“Un moment de fierté, pas seu­lement pour le labeur accompli, mais aussi parce que l’argent que l’équipe a gagné ici va être investi au pays pour améliorer la santé et le bien-être social de la communauté. Payés au même taux horaire que les ouvriers spécialisés norvégiens, les sherpas gagnent 4 500 à 4 700  euros par mois, tout en étant logés et nourris. Seul le billet d’avion est à leur charge. Depuis que Nima Nuru Sherpa a commencé à venir en Norvège, il y a une dizaine d’années, un hôpital, des écoles et des puits ont été construits dans le district de Solukhumbu. «Tout le monde en profite», se réjouit-il.”

Lire tout l’article sur Géo

SIGGJO, L’ATTRACTION TOURISTIQUE LA PLUS VISITÉE DU SUNNDHORDLAND

Beaucoup de travail a été fait pour améliorer le chemin jusqu’au sommet de Siggjo. Après un travail approfondi pour obtenir les approbations nécessaires et le financement en place, Bømlo Turlag a commencé les travaux pour réaliser la première étape de construction en 2021. La phase de construction a été achevée juste avant Noël 2021 et contient 462 escaliers construits par 9 Sherpas du Népal, via la société Stibyggeren A.

La pierre a été prise à Tillelnes sur le côté est du fjord de Bømlaf. À l’origine, elle a environ 1,5 milliard d’années. C’est un granit du continent baltique; transformé en gneiss stratifié et facilement fissile en lien avec le plissement de la chaîne calédonienne il y a 400 millions d’années. (Pour info, la chaîne calédonienne est une chaîne de montagnes formée au Paléozoïque, durant l’orogenèse calédonienne, à l’origine des vieux massifs d’Europe et d’Amérique du Nord. Elle est nommée d’après Caledonia, le terme latin désignant l’Écosse)

Bømlo Turlag (la section du CAF local) fondée en 2011, compte 718 membres et a travaillé activement avec des sentiers de randonnée et des projets de refuges à Bømlo depuis sa création. Plus de 700 heures de travail ont été nécessaires pour réaliser les différentes phases de construction. Le sommet de Siggjo accueille à présent plus de 60 000 visiteurs par an.