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Børge Ousland, le gardien des pôles

Dans le très joli livre « Quelques grammes de silence », Erling Kagge écrit « s’abstraire du monde ne veut pas dire tourner le dos, au contraire : c’est voir le monde avec davantage d’acuité, garder le cap et apprécier la vie. ». Quand il écrit ses lignes, il pense sans doute à son ami Børge Ousland avec qui il a atteint le Pôle Nord en mai 1990.
Ces deux norvégiens, et plus particulièrement Børge Ousland, sont sans doute des explorateurs parmi les plus discrets. Faire les choses proprement, sans extravagance est le crédo de Børge à qui Jean-Louis Etienne rend un hommage appuyé : « s’il existe un authentique aventurier de l’extrême, c’est lui ».

©Photos : Børge Ousland – Vincent Colliard

Par Catherine Claude

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Sud de l'Alaska en 2017, lors de la traversée des montagnes glaciaires de Chugach. (c) Vincent Colliard

Le 15 février dernier, Børge Ousland était reçu à la Société des Explorateurs Français à Paris à l’occasion de la sortie du livre de Benoît Heimermann qui lui est consacré. Son titre, Le Gardien des Pôles, dit tout de la passion de cet homme discret pour les grands espaces sauvages qu’il arpente depuis sa jeunesse.

A commencer par les pôles Nord et Sud qu’il a été le premier à atteindre en solitaire et en autonomie totale. Ces milieux qu’on dit hostiles, il en a fait son jardin, à commencer par l’océan Arctique et le continent antarctique. Apnéiste, plongeur en eaux profondes, mais aussi alpiniste, skieur, navigateur et arpenteur infatigable du ciel, des océans et des étendues glacées, c’est d’abord au Groenland qu’il organise son premier galop d’essai. S’en suivront des expéditions de plus en plus audacieuses avec pour seul moteur son énergie, un moral d’acier et une extraordinaire capacité d’organisation avec des réglages d’horloger suisse.
L’homme est discret, voire même secret. En parfait conquérant de l’inutile, il a, dans le sillage de ses compatriotes norvégiens Fridtjof Nansen ou Roald Amundsen, bousculé les obstacles glacés les plus infranchissables. Compagnon d’expédition de son exact contraire, Mike Horn, pour qui il a organisé un sauvetage extraordinaire en lui sauvant la vie, Børge Ousland a fait sienne la volonté de préférer la vérité au spectaculaire, l’épure au superlatif.

« THE ICE LEGACY », AU CHEVET DES GRANDS GLACIERS

Depuis peu, l’infatigable explorateur s’est fixé comme objectif de traverser à skis les plus grands glaciers du monde afin de témoigner de leur inquiétante dégradation. L’aventure a débuté en 2014 en compagnie de son ami Vincent Colliard. Ensemble ils se sont donnés comme objectif d’évaluer « en prise directe », l’état de santé de ces vigies d’exception. Ils en ont choisi 20, parmi les plus étendus du monde. L’Austfonna au Svalbard qui s’étend sur 8200 kilomètres carrés ou le Vatnajökull islandais mais aussi des « monuments glacés » en Patagonie, au Karakorum ou en Nouvelle Zélande. Intitulé « The Ice Legacy », l’expérience témoigne des dégâts du réchauffement climatique avec un objectif, « maintenir l’attention du plus grand nombre, montrer des photos et des films afin de mieux souligner la réalité des faits qui sont, eux, implacables ». Sans vacarme inutile, à son image et avec la certitude de ne jamais rien regretter. « Je n’ai évidemment pas découvert la signification de la vie, mais peut-être suis-je parvenu à mieux mesurer, à mon tout petit niveau, mon degré de responsabilité dans la marche du monde. »

Børge Ousland, le gardien des pôles par Benoît Heimermann
Editions Paulsen – 21 euros

À PROPOS

Les deux explorateurs posent pour un autoportrait par une journée dégagée sur le glacier Stikine. Au cours de leurs expéditions sur les plus grands glaciers du monde, Ousland et Colliard ont constaté d'importants changements dans la glace par rapport à leurs précédentes aventures dans ces mêmes régions. National Geographic

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