Gråtinden-antécime

Gråtinden est un sommet accessible, situé sur la côte sud de l’île Kvaløya, à une demie-heure de route de Tromsø. Il est formé d’un premier sommet à 707 m puis d’un replat et du sommet principal à 871 m, sommet que l’on foule par une arête à 35° qui n’est ni extrême, ni débonnaire. La vue est spectaculaire sur le Straumsforden, la très belle montagne de Bentsjordtinden qui se dresse en face sur Malangen, avec, en toile de fond, les côtes nord de Senja.

© Photos & illustration : V. Thiebaut

Panoramix en Norvège

C’est certain, cette randonnée est celle des panoramas exceptionnels. Et pas besoin de potion magique pour profiter à fond de tout ce que nous offre cette nature miraculeuse. Notre chance c’est d’être là au bon moment !

Ce soir, le ciel s’est dégagé totalement, presque par miracle. Il est 17 heures et les prévisions pour les jours suivants sont incertaines. Il nous paraît évident d’envisager une randonnée de fin d’après-midi. Le vent s’est calmé par rapport à la course du matin sur Vågtinden et toutes les conditions sont réunies pour passer un bon moment au-dessus du fjord.

Direction sud de Kvaløya vers Gråtinden.
En voiture Simone ! C’est parti… Ah non, pas de Simone, ni de Laurence d’ailleurs. Elle préfère se détendre et vaquer à d’autres loisirs.

Le topo nous indique Storelv comme point de départ, mais arrivés sur place il n’a y plus de neige et le départ de la balade se complique. Nous regardons alors la carte et à la lecture de celle-ci, nous voyons que, à quelques kilomètres, il y a un ruisseau “Brokselva” et une combe sûrement bien protégée. Nous allons sur place. Bonne surprise, un couloir de neige part de la route en direction de ce nouvel itinéraire. Avec en prime deux places de parkings à gauche de la route.

Il est déjà 18 heures et le temps presse pour atteindre le sommet. Nous entamons la montée en rive gauche du ruisseau et nous trouvons de quoi passer nos skis entre les bouleaux. La végétation est bien plus dense en face Sud. Mais globalement, ça passe bien et nous sortons de la forêt vers l’altitude 300 m. Nous nous dirigeons vers le point Høgåsen, “haute colline”, un point bien identifiable.

La vue commence à être dingue. La neige a été balayée par le vent, il nous reste un revêtement bien dur et quelques mouvements de neige sculptés. Chaque fois que nous nous retournons, la vue ne cesse de changer. Les couleurs et les ombres évoluent. Nous passons d’un monde où tout est froid à un univers chromatique qui se réchauffe. Mais ce n’est qu’une illusion car avec la petite bise, il vaut mieux ne pas s’arrêter trop souvent et trop longtemps. Le premier objectif est en vue et l’arrivée sur ce mamelon nous questionne. Pas sûr que ce soit l’antécîme du Bråtinden. Les puristes nous le confirmeront mais sur notre liste de course ça fait quand même plus sérieux que le “Mamelon du Gråtinden”. Nous nous regroupons et nous décidons d’arrêter notre effort ici, le sommet est encore assez loin, l’arête plus raide, pas sûr qu’il soit en conditions sans crampons et les derniers rayons de soleil balayent encore pour l’instant les sommets et les pentes voisines.

Le spectacle, et c’est ainsi que l’on peut définir ce qui se passe sous nos yeux, est dément. La visibilité est parfaite et nous mesurons la chance d’être là. Comme on dit dans ces cas-là, il y a ceux qui y étaient et ceux qui se demandent comment c’était ? Les photos ne sont que des images, des bouts du paysage, certes grandioses mais qui ne peuvent pas exprimer l’émotion d’un paysage à 360° autour de nous ainsi que l’amplitude verticale sous nos pieds, vers le fjord et au-dessus de nos têtes, vers l’infini…. Cette sensation est incroyable car elle est partagée par nous tous qui sommes au sommet. C’est un instant rare, une communion dédiée aux Dieux de l’univers et de la nature, peu importe les croyances de chacun.

Saint Scarpa, Père Movement, Soeur Pipette, Frère Millet, nous comptons sur vous pour nous offrir une descente inoubliable ! La neige dure qui crisse sous nos skis se transforme en moquette rose, plutôt en carrelage violine. C’est pour certains le premier plongeon dans le fjord, mais la neige oblige à être prudent et à bien contrôler ses trajectoires. sous peine d’amende. Une dernière série de photos à la lumière puis l’ombre qui descend. il faudra skier dans la nuit qui tombe avec le soleil qui joue à cache-cache derrière la crête où est planté un champ d’éoliennes qui turbine. Sûrement celles qui dominent toute la baie de Sommarøy. Nous trouvons à gauche de notre trace de montée un beau couloir déboisé, sûrement créé par une coulée. Cette belle pente nous permet de descendre dans cette première partie de forêt sans problème. Puis nous sommes obligés de nous rediriger vers notre trace beaucoup plus à gauche. De là démarre un beau combat avec les bouleaux, qui s’avère perdu d’avance.

Hormis quelques belles frayeurs heureusement sans conséquences, et voilà tout le groupe qui passe cette épreuve sans casse. Quelques minutes encore et nous voilà aux voitures. La nuit tombe et une couleur rose domine encore ce ciel. Les montagnes sont à présent dans l’ombre. Il est tant de retourner au lodge. Pour un apéro bien mérité avec dans nos esprits des images lumineuses et dans notre coeur une rare concentration d’émotions fortes.