Stemmetjørna

Mes maîtres m’avaient prévenu, si tu aimes gambader les papattes dans l’eau et si tu apprécies la pluie, tu ne seras pas déçue en Norvège. Partie d’Alsace, installée confortablement sur la banquette arrière de la voiture, c’est la première fois que je passe une journée entière à rouler, mais aussi à prendre le ferry, et quel ferry, un modèle à turbines. D’Hirtsthals à Kristiansand, nous étions tous rassemblés avec nos maîtres juste au-dessus et ça remuait, et pas que la queue d’ailleurs ! Enfin nous débarquons vers 2h30 du matin. Nous avons quitté le Danemark avec déjà, des images plein la tête, de folles courses sur le sable blond et dans les dunes, ma première baignade en mer du Nord, au soleil couchant. Le ciel est pur et les températures clémentes. Mais arrivés en Norvège, ce n’est pas la même musique, les températures ont perdu 15° et le plafond est bas, plus bas que celui de ma niche et bien plus gris !…

© Photos & illustration : V. Thiebaut

J’ai fait la tête des mauvais jours. Mes maîtres m’ont alors amené chez PetXL pour m’offrir une nouvelle couche bien confortable et quelques jouets, car je sais être bien sage et attendrissante quand il le faut. En route pour notre première étape dans l’ouest du pays, en Rogaland, et plus précisément à Heskestad, au nord-est d’Egersund, il tombe des seaux d’eau…à ne pas mettre n’importe quelle truffe dehors. Une fois installés dans notre grande niche toute rouge, mes maîtres enfilent des vêtements de montagne et enfournent dans leurs sacs à dos le nécessaire contre la pluie. J’ai droit à mon plus beau harnais et nous voila partis au-dessus du logis. L’objectif de fin d’après-midi vu sur une carte laissée sur la table est de longer le torrent pour rejoindre un lac 150 m au-dessus, Stemmetjørna.

Je trace en premier dans des herbes hautes bien trempées puis dans la forêt sur une sente à peine signalée qui slalome entre les arbres morts couverts de mousse et les fougères. Le sol est gorgé d’eau et je n’ose retenir un sourire en coin chaque fois que mes maîtres zippent sur des racines … Et ce n’est que le début ! Car nous arrivons à bout de la forêt et nous traversons le torrent par un petit pont de bois. Le lac est là et pour atteindre la “plage”, le terminus de notre balade, il va falloir traverser une tourbière ; herbes fougères, bruyères, plans de myrtilles qui cachent des sols gorgés d’eau et de boue noire. Je me roule dans la végétation, je saute de touffe en touffe, je me dégourdis les pattes dans le lac, j’y ai pied en bordure ! Car même si je devais être tenu en laisse, là il n’y a personne et j’ai droit à une liberté contrôlée. J’en profite contrairement à mes deux collègues qui, à chaque pas, tâtent le terrain pour éviter une misère…

Enfin nous grimpons sur une butte formée par les massifs de granit . Notre progression est moins problématique. Nous sommes au moins à 400 m d’altitude, rien à voir avec la Dent de Cons à 2106 m que j’ai gravi sans difficulté la semaine dernière comme ultime entraînement. Reste à traverser un étranglement entre deux parties du lac et rejoindre une avancée de rocher qui plonge doucement dans l’eau. À présent, le ciel s’est presque entièrement dégagé et les couleurs de la végétation sont photogéniques… dixit mon maître, qui s’arrête bien souvent pour la photographier. Tandis que ma maîtresse, pendant ce temps, en profite pour cueillir des myrtilles et m’en propose. Pourquoi pas goûter ? Waouw, je crois que je commence à apprécier ce pays, il y a des m&m’s bleus qui poussent à même le sol.

Une fois arrivée à la playa, pas de baraque à glace ni de beau maître nageur, juste un reste d’un BBQ et quelques bouts de bois qui feront mon bonheur, tant j’aime les ramener au bord, une fois lancés à l’eau. Nous avons les pattes bien trempées. Il est grand temps de revenir sur nos traces, nous avons moins de mauvaises surprises. Quelques arrêts myrtilles et nous voilà déjà en forêt.

La balade touche à sa fin, je vois le gîte ! Encore quelques accélérations pour bien me fatiguer et nous sommes pratiquement arrivés quand nous sommes surpris par une nouvelle averse. Il est grand temps de rentrer ! Tandis que je retrouve ma couche bien confortable et sèche, mes maîtres suspendent leurs habits et placent leurs chaussures près du radiateur de la chambre non occupée. Quelle aubaine que nous ne soyons que trois. Et avant de s’assoupir, du coin de l’œil, je vois des images de France où la canicule sévit, mes maîtres regardent le tour de France en replay…