MUSÉE

Les harengs, de Dunkerque à Siglufjordur !

Puisque l’époque du Carnaval approche, et que les médias nous relatent une fois n’est pas coutume une tradition du Nord, la partie haute de la France, pas le Nord de l’Europe; le jet de harengs sur la foule en délire à Dunkerque. Y a-til un rapport avec l’Islande ? Car au printemps dernier, à Siglufjordur, nous avons passé et repassé plusieurs fois devant le musée du hareng, les skis dans le coffre de la voiture. D’avis de tous et par curiosité, nous les avons contactés pour connaître les conditions d’ouverture en période hivernale. Car c’est sur rendrez-vous. Notre visite est programmée pour 14h30 heures sachant qu’il ferme à 16 heures. Nous n’avons pas été déçus ! Mais revenons quelques instants à Dunkerque.

©Photos: V. Thiebaut – Marie-Lan Nguyen – Wikimedia Commons

Le jet de harengs dans la bande des pêcheurs

Première information. Le Nord de la France et le carnaval de Dunkerque sont liés à la pêche en Islande. On peut alors penser que si l’on jette des kippers (les harengs) aux carnavaleux depuis la nuit des temps, c’est pour fêter un quelconque rapport avec l’Islande ? Oh surprise, la réponse est non. C’est en 1962 que cette tradition est née, sur l’idée de Jean Verlynde, vice-président du Syndicat d’Initiative et des commerçants.

À Dunkerque, la bande s’arrête devant l’hôtel de ville. La clique entame un chahut endiablé ; puis le maire et ses invités lancent les poissons emballés sur la foule ; ce qui donne lieu à des bousculades dantesques. Le jeu en vaut la chandelle : attraper un kipper constitue une récompense suprême et une fierté indicible, presque supérieures au fait de le déguster. Le jet de harengs de la bande de Dunkerque est le plus spectaculaire et rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes. Dans certains quartiers et communes, les jets revêtent une spécificité : par exemple, à Rosendaël et à Saint Pol sur Mer, on lance du poisson séché, à Bergues du fromage…
Premier temps cette année; le samedi 10 février avec le Bal de l’Oncle Cô… et cela va durer jusqu’au 18 !-)

Mercredi 5 avril 2023, il floconne sur la petite ville de Siglufjordur. Nous voila en route pour le musée qui se situe à l’entrée, à quelques centaines de mètres de notre lodge. Síldarminjasafnið c’est son nom !-). Nous montons les marches pour nous rendre dans le premier bâtiment où se situe l’accueil et le début de la visite. Une habitante fort sympathique nous explique comment se déroule la découverte de cette profession, pêcheurs d’islande, son histoire, ses retombées sociales et économiques, son déclin… Nous sommes littéralement absorbés par cette histoire, les récits, les pièces, les objets, les photos. Le musée est extraordinaire et vite comprenons qu’une heure 30 ne suffiront pas. Nous restons tous collés devant un écran pendant 20 minutes avec des images originales sur les conserveries de la petite ville qui au début du siècle grouillait de monde, de bateaux, d’usines, de tonneaux.

Retour au début du 20ème siècle

Les pêcheurs norvégiens arrivèrent à bord de leurs bateaux à harengs au cours de l’été 1903, et c’est ainsi que l’aventure du hareng commença. En quarante ans, ce petit village autrefois minuscule s’est transformé en une ville prospère. Pendant des années, la vie entière de Siglufjörður était centrée sur la pêche du hareng et sa transformation dans vingt-trois ateliers de salage et cinq usines de réduction.Lorsque le mauvais temps et les tempêtes éclataient, les eaux abritées du fjord abritaient une flotte massive de centaines de navires de pêche au hareng. La vie sur terre était tout aussi colorée, les rues de Siglufjörður si bondées de foule et d’activités qu’elles ressemblaient aux avenues grouillantes des grandes villes.
Quelques chiffres
Siglufjörður était également l’un des ports les plus importants d’Islande, 300 000 barriques étaient sur les quais, plus de 100 navires, 3000 personnes. À plusieurs reprises, le hareng exporté depuis la ville représentait plus de 20 % des exportations totales du pays et 44 % des revenus d’exportation du pays pendant certaines années.

Dans ce premier bâtiment, Róaldsbrakki, on découvre la vie dure des pêcheurs en mer, et celles des épouses restées sur la terre ferme qui se chargent ensuite de la transformation des poissons et leur conditionnement, mais aussi toutes les contraintes d’une mère et leurs implications dans la vie sociale. Comme si tout n’avait pas bougé, des intérieurs islandais où tout est fidèlement reconstitué et témoignent de la vie au début du siècle dernier. Des milliers de personnes affluaient à Siglufjörður chaque saison de hareng à la recherche d’un emploi bien rémunéré ; filles de hareng, pêcheurs et autres travailleurs. Des centaines de filles harengs venaient de tout le pays pour travailler pendant l’été et elles étaient hébergées. Ainsi, à l’étage supérieur, les pièces d’habitation sont toujours debout, intactes – et on a l’impression que les filles viennent de courir pour aller travailler.

Des centaines de filles harengs venaient de tout le pays pour travailler pendant l'été et elles étaient hébergées.

Dans le deuxième bâtiment, Grána, une véritable usine de poissons des années 30. Tout est d’origine et adapté à la visite. C’est sombre, de la graisse noire séchée sur le bois et les engrenages, le fond sonore rappelle les bruits de machine, quelle ambiance !
On explique aux visiteurs comment les usines de réduction transformaient le hareng en farine et en huile. Toutes les machines lourdes présentées dans l’exposition ont été rassemblées dans d’anciennes usines de hareng abandonnées à travers le pays, ce qui donne à l’exposition l’apparence d’une véritable usine originale. « Notre travail a consisté à redonner vie à ces usines fantômes. Notre objectif est de faire découvrir au public l’apogée de l’industrie islandaise de réduction du hareng, les années 1930 et 1950 ”.

Dans le troisième bâtiment, on trouve l’histoire des embarcations. Le Boathouse est le bâtiment le plus récent du musée, inauguré par le prince héritier Håkon de Norvège le 29 juin 2004.Un petit exemple du port animé de la ville a été recréé. Les visiteurs peuvent se promener le long des quais où sont amarrés dix bateaux et navires, et vous entendrez le bruit des mouettes et des vagues qui se brisent. De plus, les visiteurs sont invités à monter à bord du plus grand navire à harengs de l’exposition, ce qui est très excitant, 68 tonnes qui date de 1946, le Týr SK 33. D’autres bateaux du plus petit ou plus impressionnants, des reconstitutions de quais, de pièces, des photos imposantes qui nous replongent dans l’ambiance du port.

Puis enfin, L’Old Slipway, près du port, est un ancien garage de construction de bateaux datant des années 1930. C’est un mélange d’exposition et d’atelier ouvert. Les murs présentent les 200 ans d’histoire de la construction de bateaux à Siglufjörður ainsi que divers outils anciens utilisés pour la construction de bateaux en bois, certains d’entre eux ayant plus de 100 ans et toujours fonctionnels. En outre, l’Old Slipway est un atelier où les constructeurs de bateaux instruits et les amateurs peuvent obtenir l’autorisation de ramener leurs vieux bateaux pour les rénover, ou même de construire de nouveaux bateaux, sur la base des anciennes connaissances et méthodes islandaises.

Pour conclure, le Síldarminjasafnið, ce musée du hareng est tout simplement le plus important musée industriel d’Islande. Il est ouvert entre mai et septembre et uniquement sur réservation en période hivernale. L’entrée coûte 2200 ISK par adulte (15 €). Enfin, chaque été au mois d’août, il y a la fête du hareng à Siglufjörður qui est un must à voir si vous êtes de passage. Les gens du village prennent part à une véritable reconstitution du salage et du nettoyage des harengs.

Alors si vous faites un tour par la Péninsule du Troll, arrêtez-vous ABSOLUMENT !