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Moufles et mitaines Selbu, “so authentic, no fashion”

On trouve tout sur le web, même les patrons « confection » des gants Selbu. Ce n’est alors pas les mauvais côtés d’internet, le Dark Web, mais bien le White Web que l’on pourrait nommer ainsi telle ma surprise était immense et joyeuse. Mais revenons à nos moutons, plutôt à nos gants tricotés avec de la laine norvégienne et leurs origines.

Photo © Pinterest- Lola Akinmade Akeström – adressa.no – DR

Les femmes de la région de Selbu, à proximité de Trondheim, réalisaient des moufles et des gants en utilisant la technique du naalbinding, au crochet pour les non initiés comme moi. Mais adans les années 1850, une jeune femme prénommée Marit Emstad a alors l’idée de tricot des moufles tricoté très finement arborant des motifs d’étoiles noires sur fond blanc, ce motif qui allait connaître un très grand succès et être appelé par la suite étoile de Selbu. Les moufles de Marit rencontrèrent alors un franc succès parmi son entourage et toutes les femmes se mettent à réaliser des moufles semblables, utilisant une grande variété de motifs issus de la broderie, de la tapisserie et des sculptures sur bois.

Dans les années 1890, quelques moufles sont tricotées pour la vente et une véritable industrie de tricot à domicile voit le jour. Dans les années 1930, plus de 100 000 paires de moufles étaient tricotées à Selbu et vendues aussi bien dans le pays mais plus surprenant déjà exportées à l’international.

Le travail est payé à la pièce et pour obtenir un meilleur rendement, les tricoteurs utilisent peu à peu de la laine moins fine, des aiguilles moins fines, une moins grande variété de motifs, etc. Mais petit à petit, la qualité de ce beau produit s’érode. Pour mettre un terme à cette érosion, les revendeurs créent en 1934 une fédération Selbu Husflidcentral, laquelle définit un cahier des charges détaillant les spécificités du produit (type de fil, forme, dimensions et poids). Cette centrale regroupe des magasins et des producteurs de produits artisanaux de la région, essentiellement de Selbu mais aussi de Tydal. Elle contrôle la qualité et fait apposer un label d’authenticité sur les articles conformes à la norme de vente retenue.

400 MODÈLES RECENSÉS

A Selbu, il existe plus de 400 modèles différents utilisés dans le tricot traditionnel ou moderne. Modèles pour hommes et pour femmes que l’on peut reconnaître non pas grâce au motif principal de la main mais grâce à la décoration et à la taille des poignets. Les inscriptions sont monnaies courantes courantes et ainsi pour une personnalisation, les mitaines comportent des initiales.

Voilà ce qui caractérise les mitaines et moufles Selbu par rapport aux autres gants aux décors noirs et blancs. Et tout se joue dans le nombre de détails et la complexité du tricotage. La concurrence chinoise n’a aucune chance à ce petit jeu.

Déjà, la Selbu est une mitaine biface. Les motifs sur le dos de la main et ceux de la paume ne sont pas identiques, un liseré épais sépare bien les deux faces en suivant tout le pourtour de la mitaine ;
Le pouce n’a pas le même motif décoratif que le reste des doigts ;
La partie du poignet est séparé par un ou deux lisérés de manière à tricoter des motifs différents ;
Les mitaines pour hommes et pour femmes sont structurés différemment.
Ceux des hommes sont toujours tricotées avec des manchettes courtes recouvertes de motifs variés ; le gant gauche comporte traditionnellement l’inscription « cadeau » entourée de danseurs et/ou des motifs floraux ; le gant droit portent sur le dos de la main l’inscription « couple marié heureux » (lykkelig brudepar) en capitales et au milieu la lettre « H » . Les mitaines pour femmes ont souvent des poignets plus longs sans motifs ou bien avec des rayures en zigzags ou ondulés.

LA ROSE DE SELBU

La principale caractéristique est le motif appelé “Rose de Selbu”, symbole universel connu dans le monde entier qui a existé à d’autres époques, à d’autres endroits et dans autant de cultures et de religions. Et pourtant, l’usage linguistique en Norvège préfère désigner cette étoile ornementale à 8 branches par le nom emblématique de «rose de Selbu».
Malgré la diversité incontestable des motifs sur les moufles comme sur les pull overs, l’étoile à huit branches demeure aujourd’hui sans conteste le motif le plus célèbre et le plus récurrent des produits labellisés “Selbu”.
La commune de Selbu en a fait même son blason local.

CETTE ROSE EST DEVENUE UN DES MARQUEURS
DE L’IDENTITÉ NORVÉGIENNE

Ce motif extrêmement célèbre du tricot norvégien a été popularisé par deux femmes. Leur destin est associé par les Norvégiens à la naissance de l’identité norvégienne dans un contexte sociopolitique où le pays a besoin de se définir par rapport aux pays scandinaves voisins qui ont été maître de la Norvège avant son indépendance déclarée le 7 juin 1905.

Les sportifs norvégiens étaient et restent toujours des ambassadeurs remarquables des traditions de tricotage et des gants Selbu. Les équipes olympiques de 1960 et 1964 étaient toutes deux équipées d’articles estampillés Selbu. Mais pas seulement par des norvégiens, les expéditions belges au pôle Sud et les forces américaines en Allemagne étaient également équipées de gants et moufles Selbu.
À Selbu comme dans d’autres régions scandinaves, la moufle occupe une place spéciale.
Et l’on referme la boucle avec notre jeune Marit. Car coutume oblige, une paire de mitaines était souvent un cadeau de la mariée à son époux. Marit a voulu séduire son homme en réalisant une offrande plus originale et personnelle. Traditionnellement tricotés en noir et blanc, la couleur rouge est devenu plus populaire car c’est la couleur des fêtes, des mariages et des grandes occasions. Ainsi va avec ces belles traditions, la mariée offrait à tous les convives invités à la noce, des moufles qu’elle tricotait elle-même avec des motifs créatifs. Il y avait aussi des écharpes et des bandeaux tricotés pour les hommes, de quoi occuper de longues nuits d’hiver au coin du feu.
Mais le port de mitaines ou de moufles était répandu en Scandinavie même au quotidien, pour travailler, conduire son attelage, aller au culte.

Aujourd’hui, ce motif nous reste gravé dans l’imaginaire nordique. Entre tradition et modernité, entre simplicité et complexité, entre esthétisme et pratique, cette moufle est juste « cultissime”.

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